Loi Blanquer / Ne nous laissons pas enfumer par les amendements du Sénat !

vendredi 10 mai 2019
par  SN
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Avant le passage de la loi Blanquer au Sénat, on peut lire que la commission sénatoriale a éliminé ce qui faisait le plus polémique dans le projet, les regroupements d’établissement et la suppression des enseignant.e.s chargé.e.s de direction. Mais ce n’est pas parce que le Sénat supprime la partie sur la création des EPLESF (établissement public local d’enseignement des savoirs fondamentaux) que le projet en devient acceptable pour autant.

Tout d’abord, cette disposition peut être réintroduite avec des modifications, sachant que dans leur rapport les sénateur.trice.s ont spécifié que cet article était « inacceptable en l’état » et ont laissé fuiter qu’il pourrait réapparaître avec des aménagements. Ensuite, en cas de désaccord, l’Assemblée nationale aura de toute façon le dernier mot.

Mais surtout, n’oublions pas que le Sénat est une institution traditionnellement réactionnaire et majoritairement à droite. Contrôle, autorité, inégalité et flexibilité sont donc en toute logique les maîtres mots des propositions de modification de la loi.

Autorité du directeur ou de la directrice

Le spectre des maîtres directeurs resurgit de là où il avait été enterré… en 1987. En effet, la commission sénatoriale a décidé la réécriture de l’article 6 ter afin, nous citons, " de consacrer l’autorité hiérarchique du directeur d’école sur les enseignants de son école, qui passe notamment par sa participation à leur évaluation, en lien avec l’IEN." Cela donne en substance "Un directeur veille à la bonne marche de chaque école maternelle ou élémentaire ; il assure la coordination nécessaire entre les maîtres qui sont placés sous son autorité ; en lien avec l’inspecteur de l’éducation nationale, il participe à leur évaluation ». De plus, l’article 14 quater rajouté par le Sénat associe systématiquement le chef d’établissement aux décisions d’affectation d’un enseignant ou d’un personnel d’éducation dans son école, renforçant ainsi leur pouvoir.

Autorité et exemplarité des professeurES
L’article 1 sur l’exemplarité des personnels est renforcé par les sénateur.trice.s puisque la référence à la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 encadrant cette prescription digne des hussards de la République :
"L’engagement et l’exemplarité des personnels de l’éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l’établissement et contribuent au lien de confiance qui unit les élèves et leur famille au service public de l’éducation.[...] »

Flexibilité à tous les étages (enfin surtout ceux du bas de l’échelle) :
Dans l’article 5 sur l’école inclusive, les PIALS (Pôle inclusifs d’accompagnement localisé sont maintenus.
L’État et aux collectivités territoriales pourront s’associer pour le recrutement conjoint d’AESH. Cette disposition vise à favoriser la conclusion de contrats à temps plein ainsi qu’à faciliter la liaison entre le temps scolaire et les temps extra- et périscolaires. Les AESH pourront donc avoir un double employeur et être mobilisables sur temps scolaire mais aussi sur les temps extra- et périscolaires… sans aucune revalorisation salariale ni avantage en perspective.
Dans l’article 8 sur les expérimentations, le Sénat introduit la possibilité de changer les rythmes de travail. « Dans le cadre de ces expérimentations, et sous réserve d’un accord majoritaire des enseignants de l’établissement, l’obligation réglementaire de service peut être constatée sur une période plus étendue que le rythme hebdomadaire."
Le but affiché est, dans le cadre d’une expérimentation, de définir le service des enseignants sur une base plus large que la semaine : le mois, le trimestre ou l’année.

  • Article 14 - pré-professionalisation des assistant.e.s d’éducation
  • Aucune modification : dès le M1 les assistant.e.s d’éducation pourront bien exercer des missions d’enseignement et effectuer des remplacements de profs absent.e.s !
  • Article 14 bis - Formation continue :
    À nous les stages de formation l’été ou pendant les vacances avec cet article additionnel de la commission sénatoriale ! Voici l’article proposé avec donc l’apparition de la notion d’obligation en matière de formation continue :
    « Art.L.912-1-2– La formation continue est obligatoire pour chaque enseignant
    « La formation continue s’accomplit en priorité en dehors des obligations de service
    d’enseignement. Elle peut donner lieu à une indemnisation.
    « L’offre de formation continue est adaptée aux besoins des enseignants. Elle participe à leur développement professionnel et personnel et peut donner lieu à l’attribution d’une certification ou d’un diplôme. »

Inégalités avec le renforcement de l’école à 2 vitesses avec les EPLI (établissement public local d’enseignement international) mis sur un piédestal
La commission sénatoriale est très favorable à la création de ce type d’établissement qui ,selon les soi-disant Sages, "renforce l’attractivité du système éducatif français et permet, à l’initiative des élus locaux, d’adapter l’offre scolaire aux besoins et aux spécificités de chaque territoire."
Concernant ces spécificités de territoire, est donné en exemple un extrait d’une étude d’impact sur l’ouverture de tels établissements en lien avec divers organismes européens telle l’Autorité bancaire européenne qui va s’implanter à la Défense... Pas de doute donc sur le public pour lequel ces EPLI sont pensés même si l’Assemblée Nationale et le Sénat ont rajouté la nécessité qu’il y ait tout de même de la mixité sociale dans ces établissements ! Concernant les élèves, rien ne change, celles et ceux qui pourront s’inscrire dans ces écoles d’élite devront "satisfaire à la vérification de leur aptitude à suivre les enseignements dans la langue étrangère pour laquelle ils se portent candidats. L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation affecte dans l’établissement public local d’enseignement international les élèves qui ont satisfait à cette vérification d’aptitude, en veillant à la mixité sociale des publics scolarisés au sein de celui-ci. "
Concernant le financement de ces établissements, en plus du financement classique de l’État et des collectivités territoriales les EPLEI pourront recevoir des concours de l’Union européenne ou d’autres organisations internationales, ainsi que des dons et legs dans les conditions prévues par le code général de la propriété des personnes publiques."

On est donc en plein dans le renforcement de l’école à 2 vitesses au niveau des financements