Loi Blanquer / Le Sénat alourdit encore un peu plus la note !

Note d’information de SUD éducation 13
samedi 25 mai 2019
par  GUERDA
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La loi Blanquer a été votée au Sénat le 21 mai et a été amendée sur de nombreux points. La loi Blanquer doit être comprise comme la pièce centrale d’un grand ensemble. Il faut donc la mettre en relation avec d’autres mesures mises en place ou annoncées par le gouvernement. Voici un bilan des changements après passage au Sénat.

L’article 1 renforcé

L’art 1 est maintenu à une différence près c’est que la référence au statut de 1983 a disparu. C’est justement cette référence au statut de 83 qui permettait au ministère et à la majorité de rassurer sur le maintien de la liberté d’expression, puisque figure dans ces statuts : la garantie de la liberté d’opinion du fonctionnaire .

Les EPSF reportés mais pas supprimés

Lors du passage au Sénat, la mise en place des EPSF, ces Etablissements Publics des Savoirs Fondamentaux, a disparu du texte. Ces grands établissements devaient regrouper au sein d’une seule structure écoles et collège d’un même réseau. Des adjoint-es du collège devaient alors devenir les supérieurs hiérarchiques des collègues professeures des écoles comprises dans le périmètre de l’ESPF. C’est cet article qui faisait craindre la suppression des directeur-trices d’écoles. Crainte pourtant contradictoire avec un vieux projet des gouvernements de droite et réactivée par LREM : la création d’un statut de Directeur-trice d’école comme supérieur hiérarchique. Ces EPSF ne faisaient pas partie du texte initial, mais avait été rajoutés par amendement lors du passage à l’Assemblée. Le rapporteur de la loi avait annoncé lors de sa suppression au Sénat qu’ils seraient rétablis, mais comme Blanquer veut faire vite, il semblerait qu’il soit prêt à le supprimer pour obtenir un compromis. Pour rassurer, le gouvernement a longtemps dit qu’il s’agissait là d’expérimentation et que les EPSF ne seraient pas généralisés. Cependant même si les EPSF disparaissent du texte, ils ne disparaissent pas des esprits puisque le Ministre a annoncé que ce sujet ferait l’objet de nouvelles discussions à l’avenir. En attendant le ministre peut compter sur la mise en place des cités éducatives pour tirer des bilans qui seront applicables aux EPSF remaniés.

Dans les Bouches-du-Rhône (concerne les projets en renouvellement urbain) : Malpassé-Corot, Bricarde-Castellane, Grand centre ville et Vitrolles.

Statut des Directeurs-trices d’écoles

Puisqu’un des axes revendicatifs était : « pas touche à mon directeur d’école », le ministère Blanquer a saisi sa chance pour imposer un statut de directeur d’école comme supérieur hiérarchique. Pour le ministère cela a le double avantage de griller une étape puisque cette piste, ancienne, a été réactivée par le rapport Bazin-Rilhac publié le 1er août 2018, mais aussi de diviser les personnels sur la question en pleine mobilisation. En effet, face à la dégradation des conditions de travail des directeur-trices, un statut apparaît comme l’outil de la reconnaissance et l’assurance de moyens à la hauteur. Or, pour l’instant on n’en sait pas plus. Comment seront recruté-e-s les directeurs-trices, s’agira-t-il d’une cooptation, d’un concours semblable à celui de chefs d’établissements. Dans tous les cas, une couche hiérarchique en plus, c’est une pression en plus (à mettre en lien avec les évaluations nationales...). Quant aux conditions de travail des directeurs/trices, le risque est grand que la charge augmente surtout si on leur confie davantage d’écoles. Cela bouleverse le fonctionnement des écoles en introduisant toujours plus de management et de hiérarchie au détriment du modèle collégial et horizontal.

Surenchère réac’

Les députés LR et d’extrême-droite ont imposé de nouveaux amendements au texte portant sur de vielles lunes réactionnaires :

  • La suppression des allocations familiales pour les élèves absentéistes : c’est l’ancienne loi Ciotti qui avait été annulée. Son inefficacité est avérée, selon un rapport parlementaire et comme le montre l’étude de la situation anglaise. L’efficacité de ce type de mesure est nulle.
  • Le retour de l’interdiction de l’accompagnement scolaire par les mamans voilées.
  • La création d’un « délit de prosélytisme autour des écoles ». Ce qui est très flou et donc très dangereux. La sénatrice qui a porté cet amendement parle du voile comme d’un signe de prosélytisme.

Ces différents amendements ne sont pas du fait de LREM. Ils peuvent permettre à Blanquer de se recentrer par exemple sur les deux derniers points. En revanche, la question de la suppression des allocations familiales avait déjà été soulevée par le ministère sur la question de la violence à l’école. Il est donc possible que ce soit un point de compromis.

Menaces sur nos statuts et conditions de travail

Des « nouveautés » sont apportées par le Sénat à la loi en terme de statut et de conditions de travail, elles sont à mettre en parallèle avec les modifications apportées par la Loi Dussopt sur la Fonction Publique. Ces dispositions devront être complétées juridiquement mais elles sont bien là :

  • Formation pendant les congés scolaires : un article 14 bis est ainsi ajouté, qui prévoit que « la formation continue s’accomplit en priorité en dehors des obligations de service d’enseignement ». Comme pour le premier degré, la formation continue devient obligatoire.
  • Vers l’annualisation ? A titre expérimental, il serait désormais possible d’annualiser le temps de service des personnels enseignant-es. Une phrase vient se glisser dans l’art. 8 : « la répartition des heures d’enseignement sur l’ensemble de l’année scolaire » dans les expérimentations en retirant « dans le respect des obligations réglementaires de service » que l’Assemblée avait mis.
  • Déréglementation des mutations : Un article 8 ter permet au ministère de « déroger » au cadre commun des mutations « afin de permettre une affectation équilibrée des personnels enseignants et d’éducation dans les écoles et établissements scolaires situés dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne ». Cela ouvre la porte au clientélisme et à une gestion de plus en plus individualisée des carrières.

Les EPLI, l’école à deux vitesses

Ces établissements pourront recevoir des financements privés, ils pourront bénéficier d’adaptation en terme de programmes scolaires. Le recrutement se fera en théorie sur la base des résultats scolaires pour mettre en avant la fameuse méritocratie républicaine. La scolarisation se faisant dès 3 ans, on a du mal à voir comment ce sera autre chose que la situation sociale des parents qui sera un critère de sélection. Ces EPLI ne seront pas forcément des établissements neufs. Ils pourront être des établissements déjà existants, ou à l’intérieur d’établissements déjà existants ce qui officialisera une ségrégation interne.

L’instruction obligatoire dès 3 ans

Attention il faut bien parler d’instruction et non de scolarisation (on fait trop souvent la confusion). La loi n’oblige en rien à inscrire dans une école. Les chiffres sont les suivants : 28 000 enfants non scolarisés (sur 800 000). 10 000 sont dans des jardins d’enfants. 8 000 dans des territoires pour lesquels il n’y aura aucun changement suite à la loi (Mayotte et Guyane). Le reste dépend en grande partie de l’enseignement spécialisé.

Conséquence 1ère : Cette loi prise en charge par les communes des maternelles privées sous contrats avec compensation de l’État. Le Sénat a étendu la compensation aux communes qui payaient déjà les maternelles privées. 100 à 200 millions vont être transférés au privé sous contrat. Les jardins d’enfants créés avant la loi seront maintenus. Auparavant, ces jardins devaient disparaître à l’horizon 2021 et se transformer en autre chose : accueil périscolaire, écoles privées hors contrat...

PIAL, AESH et AED...

Du côté des Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés (PIAL) qui regrouperont désormais les AESH par pôle et la question des missions d’enseignement confiés aux AED, le passage au Sénat n’a pas fait évoluer le texte.

Quel calendrier ?

Le texte vient d’être voté au Sénat le 21 mai. La prochaine étape est le passage de la loi devant une commission mixte paritaire rassemblant sénateur-trices et député-es et qui se tiendra mi-juin. Le gouvernement et le ministère, qui cherchent à aller vite sur ce dossier devraient trouver des points de compromis pour éviter une nouvelle navette.

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