Livret de compétences : pourquoi il est nécessaire de dire non !

lundi 10 janvier 2011
par  Rédac13014
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Livret de compétences, socle commun... Derrière les mots et les gesticulations gouvernementales, ce sont des changements profonds qui risquent de s’opérer dans le système éducatif, conséquences de volontés politiques internationales formulées en particulier par l’Union Européenne en 2000 à Lisbonne.

Un « machin » qui suscite beaucoup de questions

Bien que la circulaire n°2010-087 soit parue cet été, beaucoup de questions subsistent parmi les enseignants au sujet de ce livret de compétences. Qui effectuera concrètement la validation ? Sur quels critères ? Quel est alors le sens de cette validation ? La validation des sept compétences sera-t-elle nécessaire pour l’obtention du brevet ? Continuera-t-on à travailler sur un item si la compétence dont il fait partie a déjà été validée ? A quoi correspondent les compétences « l’autonomie et l’initiative » et « les compétences sociales et civiques » de la manière dont elles sont déclinées ici ?

Quelques débuts de réponses

La circulaire nous dit : « Le livret personnel de compétences a une double fonction : outil institutionnel attestant la maîtrise des sept compétences du socle commun, il est aussi un outil pédagogique au service du suivi personnalisé des élèves. »
Beaucoup d’incompréhensions demeurent : s’il s’agit de ne valider que les élèves qui maîtriseront parfaitement les compétences (puisque le choix est manichéen : il n’existe pas de possibilité « en cours d’acquisition »), très peu d’élèves auront leur attestation... Mais si ce n’est pas le cas, alors la porte sera grande ouverte à l’arbitraire. Certes la circulaire dit : « Si des lacunes manifestes apparaissent dans un domaine, la compétence ne pourra être validée. », mais elle dit aussi : « La validation des compétences relève d’une décision des équipes pédagogiques, qui se fondent sur l’évaluation des items pour valider chaque compétence. Elles peuvent toutefois choisir d’apprécier une compétence de manière globale, même si quelques items qui la composent n’ont pas été évalués positivement. »

Bref le risque est grand de se retrouver à valider tout et n’importe quoi à tort et à travers...
D’autre part les décisions devraient émaner des équipes éducatives (terminologie très floue) mais dans le secondaire, la tâche incombera bel et bien au professeur principal. Or tout ce flou autour d’une validation « collective » aura tout simplement pour effet de priver les enseignants de la maîtrise de l’évaluation, d’où de nombreuses dérives possibles.
Même si pour le moment la mise en place reste confuse, l’arrêté du 9 juillet 2009 indique clairement que l’obtention du diplôme national du brevet est soumise à la validation du socle commun. Dès lors une course à la validation risque de se mettre en place et il est à craindre que les items soient aussi vite oubliés qu’ils auront été validés. En effet la circulaire précise : « La validation des compétences est une décision définitive qui requiert toute l’attention des équipes éducatives : une compétence validée le reste. » Or dans un certain nombre de disciplines l’apprentissage s’effectue de manière continue en revenant sans cesse sur les mêmes notions, ce qui est contradictoire avec ce mode de validation.
Dans leur formulation, mais surtout dans leur contenu les compétences 6 (« les compétences sociales et civiques ») et 7 (« l’autonomie et l’initiative ») ne peuvent qu’inquiéter par les items qu’on y trouve : « Valeurs, symboles, institutions de la République », « Rôle de la défense nationale », « Se familiariser avec l’environnement économique, les entreprises, les métiers de secteurs et de qualifications variés » ou encore « Manifester curiosité, créativité, motivation, à travers des activités conduites ou reconnues par l’établissement ». Bref deux fourre-tout qui mettent clairement en avant une certaine conception de la citoyenneté. Et l’absence totale de référence à l’esprit critique est alors très lourde de sens...

Des bases idéologiques pour comprendre à quoi ça sert...

Prenons maintenant le temps de réfléchir... Nous nous apercevons alors que les connaissances, les savoirs, qui tenaient une place centrale, sont réduits au minimum et à l’utile. On peut bien sûr objecter qu’une compétence met nécessairement en jeu à la fois des connaissances, des capacités et des attitudes, et que la formulation très générale d’une compétence n’oblige nullement à réduire le niveau d’exigence. Pourtant, quand on observe les nouveaux programmes du collège et les projets pour le lycée, c’est à l’évidence un appauvrissement considérable des contenus qui se prépare.
Il semble alors que le recentrage autour de la notion de compétence ne peut être autre chose qu’une forme de rationalisation de l’éducation, une réduction des apprentissages à un ensemble de procédures, de techniques et de savoir-faire laissant apparaître des connaissances en pièces détachées, une pensée en miettes.
Habilement vendu sous un emballage démocratique et égalitariste, le socle commun permettra surtout de formater les enfants des classes populaires aux normes de docilité nécessaires à leur future « employabilité ». L’effort et la persévérance seront désormais considérés comme les conditions suffisantes de la réussite de nos élèves, ce qui permettra de les rendre, avec leurs familles, seuls responsables en cas d’échec.
De plus la suppression de la carte scolaire ne favorisera pas les enfants des classes populaires. La mise en concurrence des établissements couplée avec le socle commun, conduira à l’abandon de l’égalité des droits pour tous à une éducation de qualité.
Enfin, suite à la mise en place de ce livret de compétences, il y a fort à craindre que nous assistions à la fin du brevet. Et peut-être par la suite à la fin des diplômes. Car détruire le système national des grilles de qualifications et des diplômes afin de rétablir le maximum de concurrence entre les salariés, telle est la réelle fonction de l’approche par compétences et de l’évaluation des compétences qui se développe dans le système scolaire à l’instar de ce qui se fait dans l’entreprise.

Conclusion

Ne nous trompons pas de combat : le débat sur le livret de compétences et sur les évaluations dépasse largement celui du calendrier ou du pourcentage de réussite pour valider une compétence ! Ne l’oublions surtout pas dans nos échanges. Les enjeux sont d’un autre niveau... Et nos réactions doivent donc être à la hauteur.

Dans une réelle école démocratique, l’évaluation devrait être cantonnée à sa fonction proprement cognitive d’identification d’un obstacle intellectuel qui demande à être surmonté, ainsi qu’à un rôle de sécurisation des élèves, de confirmation des progrès réalisés et de gratification symbolique. Tout autre usage de l’évaluation doit être banni, de façon à ne laisser qu’une issue au constat de la difficulté intellectuelle : celle de la recherche des moyens de la surmonter.


Documents joints

livret_de_competences_SUD_Bdr