LE SOCLE COMMUN EN QUESTION

Une déclaration des personnels du collège Edmond Rostand
lundi 4 avril 2011
par  Rédac13014
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« Il s’agit aussi de développer le sentiment d’appartenance à son pays, à l’Union européenne, dans le respect dû à la diversité des choix de chacun et de ses options personnelles. » [1]

« Le socle commun est le ciment de la Nation » [2]

HISTORIQUE

Le socle commun est le fruit d’une évolution de la vision du collège et de ses objectifs :
- En 1996, dans le décret no 96-465 du 29 mai 1996, le collège se donne comme finalité de dispenser à tous les élèves, sans distinction, une formation générale qui doit leur permettre d’acquérir les savoirs et savoir-faire fondamentaux constitutifs d’une culture commune.
- Or, en 2001, l’OCDE semble introduire une logique de distinction lorsqu’il considère que « les programmes scolaires ne peuvent être conçus comme si tous [les élèves] devaient aller loin »
- Et, en 2005, la loi Fillon ne fait qu’entériner cette logique en présentant le socle commun comme un minimum requis à la sortie du collège. [3]

Le socle commun répond donc à une réduction des exigences dans la formation des collégiens.

QUESTIONNEMENTS

COMMENT ?
En termes purement pratiques : comment superposer dans nos enseignements le socle et les programmes ?

POURQUOI ?
Quelle est la finalité de l’obtention du socle commun ? Les lycées et les éventuels employeurs vont-ils l’exiger ? Le brevet devient-il obsolète dès lors que le socle est mis en place ?

POUR QUI ?
Le socle ne semble pas fait pour les élèves désireux de poursuivre en lycée général. En témoigne la compétence 3 : en mathématiques, dans le socle, il n’ y a pas de résolution des équations du premier degré à une inconnue, ni de formalisation géométrique. Les élèves qui ne font que le socle ne pourront donc pas suivre en seconde.

Par ailleurs, certains items dont la formulation est aussi vague qu’ambitieuse semblent pouvoir s’adresser autant à un collégien qu’à un doctorant. Par exemple, dans la compétence 3, l’item « l’Univers et la Terre » est ainsi formulé « structure et évolution au cours des temps géologiques de la Terre, phénomènes physiques »...

Le risque sous-jacent est double :
- fixer aux élèves les plus fragiles un “plafond de connaissances” et aux plus à l’aise un “plancher” pour d’autres contenus
- créer une école à double vitesse faite d’établissements où la priorité serait le programme et d’autres où le socle commun primerait. L’idée de créer « l’École du socle commun », d’une durée de neuf ans a même récemment été émise dans un rapport remis au ministère (rapport Reiss, 2010). Qu’il y a-t-il de commun dans tout cela ?

QUAND ?
A quel moment considère-t-on que les compétences sont acquises ? Est-il possible d’évaluer la maîtrise de la lecture de la même façon en français qu’en mathématiques ? Comment créer une progression dans la validation des items de la 6ème à la 3ème ?

CRÉDIBILITÉ ?
Certaines compétences sont-elles légitimement évaluables ? Quelques unes, dont les suivantes, laissent songeur : « être capable mobiliser ses ressources intellectuelles et physiques dans diverses situations » compétence 7 du palier 3, « être sensible aux enjeux esthétiques et humains d’une œuvre artistique » compétence 5, palier 3 ?

Doit-on considérer « La culture humaniste » (compétence 5 du palier 3) comme une posture philosophique qui doit traverser l’école ou bien comme une compétence parmi d’autres ?
De manière plus générale, Marcel Crahay , pédagogue genevois, se demande si la logique de compétence est compatible avec l’idée d’humanisme :
« La logique de la compétence est, au départ, un costume taillé sur mesure pour le monde de l’entreprise. Dès lors qu’on s’obstine à en revêtir l’école, celle-ci est engoncée dans un habit trop étriqué eu égard à sa dimension nécessairement humaniste.
Il est urgent que l’école se dégage de l’emprise de l’économisme qui s’insinue dans tous ses rouages, intellectuels et organisationnels. »

Le socle commun et son livret de compétence nous semblent être le fruit d’une logique mettant à mal le principe d’égalité de tous face à l’enseignement. Et qu’est ce qui légitime et rend impérieuse une telle baisse d’exigence dans la formation de nos élèves ? Sommes-nous en train de renoncer à nos idéaux humanistes, sacrifiés sur l’autel d’un pragmatisme socio-économique de courte vue ?

Nous, personnels enseignants et CPE du collège Edmond Rostand (Marseille 13°), avons décidé ce jour, de ne pas appliquer la mise en place de l’évaluation du socle commun telle qu’elle nous est aujourd’hui proposée dans le palier 3 du Livret personnel de compétences.


[1Décret du 11 juillet 2006 du Socle des connaissances et des compétences

[2Ibid

[3Article 2 de la loi Fillon : « Le collège dispense à chaque élève, sans distinction, une formation générale qui doit lui permettre d’acquérir au moins le socle commun de connaissances et compétences, défini en application de l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation et dont l’acquisition a commencé dès le début de l’instruction obligatoire. »