1ère rencontre avec une représentante du STRASS
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Depuis quelques mois, SUD Educ 13 se questionne sur les revendications politiques et syndicales des travailleurs-ses du sexe portées par le syndicat le STRASS1. Les échanges de points de vue, lors des assemblées générales, finissent par être fructueux et riches au point d’inviter une des représentantes du Syndicat du Travail Sexuel : Morgane Merteuil2.
Pourquoi un tel choix syndical ? Tout simplement parce que les prostitué(e)s restent malgré eux-elles objets passifs des représentations prostitutionnelles et qu’enfin leur déléguer la parole, c’est aussi affirmer qu’elles-ils sont capables de devenir sujets de leur propre métier sans pour autant être aliéné(e)s au système patriarcal.
Cette tentative syndicale ouvre une brèche dans l’approche des sexualités dans l’univers du militan-tisme. Qu’apprend-on sur l’échange d’un service sexuel contre de l’argent ? Comment le dispositif pénal mis en place depuis ces dernières années contribue à faire peser sur les femmes et les minorités sexuelles (homos, travestis, transsexuel(le)s, transgenres) la menace de devenir des hors la loi et des citoyens-nes de seconde zone ou davantage des précaires à vie ?
Morgane Merteuil, habituée à répondre à ces questions nous renseigne, nous éclaire sur les effets pervers de la LSI3 et sur le discours « prohibitionniste » français calqué sur le modèle suédois. La loi sur la sécurité intérieure réintroduit dans le code pénal le délit de racolage. Cette loi consiste à criminaliser la prostitution, la mendicité, les gens du voyage, les squatteurs et à les stigmatiser davantage. Pour Sarkozy, il s’agit de nettoyer les centres villes de ces nouveaux-elles délinquant(e)s. Le mardi 6 novembre 2011, Droite et Gauche clament à l’unisson la position « prohibitionniste » de la France en matière de prostitution en usant d’un lexique paternaliste et liberticide. Les médias s’empressent de faire l’éloge du modèle suédois en soulignant ses effets magiques voire salvateurs sur l’univers « prostitutionnel ». Véritable boîte de Pandore qui cache les maux de la précarité !
Acceptera-t-on d’ouvrir cette fameuse boîte et de nous confronter à la réalité suédoise ? Morgane Merteuil nous livre sans fard le sort des « Putes »4 victimes de la prohibition.
Alors que la suède fait figure de paon lorsqu’elle étale publiquement les chiffres qui attestent de la diminution de l’activité prostitutionnelle, Morgane nous met en garde contre ces statistiques tronquées. Depuis les lois suédoises les « Putes » travaillent sur des bateaux, en dehors des eaux territoriales (échappant à toutes formes de législation) et dans conditions déplorables . Cette réalité relayée par certains journalistes sérieux fait froid dans le dos et Morgane ne cache pas son désarroi face à de telles conditions de travail qui s’apparentent à de l’esclavage au sens métaphorique du terme.
Cette rencontre syndicale a eu le mérite de nous interroger sur ces lois qui fabriquent, engendrent des citoyens de seconde zone mais également d’écouter une travailleuse du sexe revendiquer des droits syndicaux et parler en tant que camarade syndiquée. A nous d’être à l’écoute de ceux et celles que nous objectivons bien souvent à travers des discours teintés de prohibitionnisme et de coordonner nos luttes nationales contre la précarité avec les leurs. Cette étape nécessitera encore de nombreuses discussions et de nombreuses rencontres avec nos camarades du STRASS qui luttent au quotidien contre la précarité et pour la reconnaissance de leur profession.
1 STRASS, Syndicat du Travail Sexuel, site : http://site.strass-syndicat.org/
2 Merteuil, Morgane, Secrétaire Générale du STRASS.
3 LSI, loi pour la sécurité intérieure de 2003 (LSI ou Loi Sarkozy II) adoptée par le parlement, le 18 mars 2003.
4 Pute : la portée épistémologique de ce mot s’opère par inversion, retournement de l’insulte : renverser la position de la pute qui d’objet devient sujet et trouve à sa disposition un nouveau type d’identité sexuelle.