#1 L’école qui vient, celle de la sélection !

Toutes et tous en grève le 22 mai
mercredi 9 mai 2018
par  GUERDA
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« L’ennemi du service public c’est l’égalitarisme », c’est le diagnostic posé par Jean-Michel Blanquer quelques semaines après sa nomination comme ministre de l’Education nationale. Le ton était donné et le lexique emprunté à la plus extrême des droites. Par ce glissement sémantique, loin d’être anodin, l’égalité n’est plus une valeur, un principe ou même un idéal à atteindre mais une idéologie qu’il faut combattre. Pour le gouvernement la solution est toute trouvée, il faut sélectionner, classer, hiérarchiser et surtout mettre fin à cette vielle lune d’un système scolaire égalitaire pour toutes et tous. En Marche arrière toute !

Reculs sur la démocratisation du système scolaire.

L’ouverture du système scolaire est le fruit d’un processus historique très long, toujours inachevé, dont l’une des étapes importante fut la mise en place du collège unique par la réforme Haby de 1975. Depuis lors, et à chacune de ces étapes, ce processus fut constamment contesté et remis en question que ce soit par les courants politiques réactionnaires, par des associations de parents d’élèves prétendument apolitiques ou par des éditorialistes parmi les plus conservateurs. Cette ouverture serait responsable de tous les maux de la société : abaissement général du niveau scolaire, violences, décadences morales, chômage. C’est pourquoi ce projet a progressivement été détricoté. Aujourd’hui ce gouvernement poursuit une politique déjà bien entamée en mettant bout à bout un ensemble de mesures éparses. Son projet est bien clair et presque décomplexé, c’est celui de la sélection et du tri social. Bien entendu ce sont d’autres termes plus marketing et positifs qui sont employés. On va plutôt parler de « réussites » au pluriel, en argumentant que les « intelligences sont multiples ». Comment être en désaccords ? Oui les intelligences sont diverses et plurielles, et oui, il n’existe pas qu’un seul modèle de réussite mais concrètement dans les différentes mesures proposées, quid des déterminismes sociaux, géographique et de genre... quid des doutes, des accidents de vie et de parcours. Franchement, Emmanuel Macron vous a t-il vraiment donné des gages que toutes les réussites se valent ? Dans la société qu’il prône et dont il poursuit la construction, avez vous l’impression qu’il n’y aura plus de perdantEs ? Le projet éducatif mené par ce gouvernement n’a pas pour but que chacun trouve sa place mais plutôt celui que chacun reste à la sienne.

Une sélection généralisée dans l’enseignement supérieur

La loi ORE (Orientation et Réussite des Etudiants), est un parfait exemple des logiques actuellement à l’oeuvre puisqu’elle entraîne un renforcement de la sélection à l’entrée de l’université. Celle-ci impose en effet de nouvelles procédures d’accès induites par la mise en place de la plateforme en ligne Parcoursup. Le but ? Faire face au manque de places dans certaines filières du supérieur. Sans rentrer dans une explication trop technique, quelques points méritent d’être mis en avant. Contrairement à APB, la plateforme précédente, les lycéenEs ne formulent plus des vœux hiérarchisés mais doivent établir une liste indifférenciée. Et les conséquences sont de taille : Outre l’impossibilité matérielle de traiter tous ces dossiers car Parcoursup va envoyer d’emblée dans les filières universitaires l’ensemble des candidatures, c’est la garantie de la mise sous tension de la quasi-totalité des filières, y compris des filières non-sélectives qui ne l’étaient pas jusqu’à présent. La gestion de ces dossiers est laissée à l’initiative des formations qui les reçoivent selon des algorithmes locaux. Fini le libre accès à la formation supérieure de son choix une fois le bac en poche, désormais les étudiantEs seront sélectionnés (car il s’agit bien de sélection) et choisiEs selon les désidérata de chaque formation. Mécaniquement, les meilleurs d’entre elleux seront donc acceptéEs dans toutes les formations souhaitées en attendant de faire leurs choix. Les autres iront suivront la formation pour laquelle ielles auront été retenuEs, passant peut-être à côté de leur feu premier vœux. D’autres enfin seront « en attente » pour l’ensemble de leur voeux et le risque est grand qu’ils se voient proposer des formations jugées « proches ».

Réformes du lycée et du Bac, disparition des CIO : un tri social qui commence dès le secondaire

Cette volonté de tri social ne se limite pas à l’université, d’autres mesures montrent qu’il s’agit bien d’une politique éducative plus globale. Les réformes concomitantes du bac et du lycée participent à cet objectif. Ces dernières vont dans le sens d’une autonomie accrue des établissements et de leur mise en concurrence, processus déjà engagé à l’université depuis plusieurs années. Les risques d’augmenter les inégalités territoriales sont fortes. Qui plus est, le ministère a annoncé la diminution des heures consacrées à l’accompagnement personnalisé en les amalgamant à ce qu’il nomme de « l’éducation à l’orientation ». Il s’agit donc moins de pallier aux difficultés des élèves que de les orienter le plus précocement possible en fonction de leur niveau et en faisant peser cette responsabilité sur les enseignantEs, non forméES dans ce domaine. Sinon, comment comprendre autrement l’annonce de la suppression des CIO et la régionalisation des missions de l’ONISEP prévues par la loi intitulée sans vergogne « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». C’est ici le démantèlement du service public d’orientation qui est organisé. Avec la fermeture des CIO, l’avenir des Psy EN est encore flou. Leurs missions pourraient se concentrer sur les établissements mais sans pour autant que leur nombre soit suffisant pour effectuer leurs missions. La disparition des CIO, qui ont déjà subi de nombreuses fusions, privera nos collègues d’un espace d’échange et de réflexion essentiel à leur travail. Elle privera également de nombreuses personnes sorties du système scolaire d’un précieux soutien en matière d’orientation et d’insertion professionnelle. La territorialisation des DRONISEP (antennes régionales de l’ONISEP) va compartimenter l’information sur les métiers et donc grandement affecter la qualité de l’orientation. Celle-ci sera davantage axée sur le bassin d’emploi local et non sur les choix et la situation personnelle de l’élève. La soumission aux intérêts économiques locaux, voilà ce que le gouvernement appelle : « la liberté de choisir son avenir professionnel ». Celles et ceux qui en auront les moyens pourront toujours faire appel aux organismes privés qui se développent dans ce domaine.

Sur l’autel du libéralisme et de l’austérité

Cette politique ne vient pas de nulle part. Elle est le fruit d’une idéologie : le libéralisme économique. Sa logique est simple, l’intervention de l’État doit être limitée au maximum et c’est la main invisible du marché qui va organiser la société. C’est cette politique qui justifie le démantèlement des services publics, les privatisations, les politiques d’austérité, la confiscation du bien commun conquis de haute lutte. Dans cette société, il y a des gagnantEs, peu, et des perdantEs, beaucoup, les individuEs y sont en concurrence et seul le mérite personnel justifierait la place de chacun. Sauf que les dés sont pipés, qu’il n’existe pas d’égalité des chances et que la méritocratie est une vaste fumisterie. Dans notre système économique qui reproduit toujours plus les inégalités c’est à nous qu’il appartient d’établir une justice sociale digne de ce nom et d’imposer une autre répartition des richesses.

Le 22 mai, on s’organise, on agit ensemble, de la maternelle à l’université !

Egalité, justice sociale, démocratie, il y a des principes qui deviennent des lieux dans lesquels est ancré le progrès. C’est ce qu’incarne plus que tout l’école publique. Mais aujourd’hui, plus que jamais, ces lieux sont attaqués par bien des aspects. Alors, en tant que personnels de l’Education attachéEs à cet idéal d’une école publique égalitaire et de qualité, accessible à toustES, nous ne pouvons pas laisser faire. Nous ne pouvons pas fermer les yeux. Pour nos élèves et au nom de ces principes, nous avons le devoir d’agir ensemble de la maternelle à l’université. Les étudiantEs qui sont nombreusEs à lutter en ce moment même ont bien compris ce devoir de solidarité. Construisons cette mobilisation, et dès le 22 mai rejoignons les autres secteurs déjà en lutte. La bataille pour le service public a commencé, renforçons le front de l’Education et remettons le progrès social au goût du jour !

> Télécharger et diffuser le tract de SUD éducation 13


Documents joints

L'école qui vient #1