Evaluations nationales / Bienvenue au ministère de la performance !

Des évaluations qui n’ont rien d’anodin
samedi 29 septembre 2018
par  GUERDA
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En cette rentrée, le ministre de l’Éducation nationale n’y va pas par quatre chemins. Et l’une de ses obsessions c’est l’évaluation ! Évaluation des élèves, de l’école jusqu’au lycée, évaluation des enseignant.es, évaluation des établissements, tout devrez bientôt passer au crible de la performance ! Des mesures qui s’appuient sur une tendance aujourd’hui poussée à son paroxysme et qui mélangent vieilles recettes et expérimentations à la sauce New Public Management ! Bienvenue dans l’école du nouveau monde au service du tryptique sélection-privatisation-concurrence !

Depuis l’année dernière le ministère essaie d’imposer ses « évaluations nationales » en CP, CE1, 6e et maintenant en 2nd ! Chaque élève devra passer des tests de positionnement censés déterminer le niveau de compétence acquis. Selon le ministère ces évaluations corrigées automatiquement permettraient de cerner au plus près les besoins de chaque élève afin de leur apporter une aide personnalisée. On vous voit faire la grimace, et vous avez bien raison car rien n’est vraiment anodin avec ce ministère. Nous pensons au contraire, que ces évaluations, tant dans leur conception que dans leurs finalités, sont un pas supplémentaire vers une école à la fois libérale et conservatrice. Attention très à droite toute !

Vous nous direz, les évaluations ont connaît déjà. En effet cela fait longtemps qu’elles existent, qu’elles s’en vont et qu’elles reviennent. A l’époque il s’agissait du dada de Darcos et de Chatel sous la présidence Sarkozy. Jean-Michel Blanquer était alors directeur de la DGESCO. Aujourd’hui, ces évaluations sont mises en place avec une intensité inédite et viennent compléter d’autres mesures.

Sous couvert d’aider les profs, il s’agit en réalité d’évaluer l’efficacité des politiques publiques. Entendez par cela, retour sur investissement et austérité budgétaire. C’est dans cette perspective qu’il faut placer les autres annonces faites par le ministère notamment sur le conditionnement au mérite des primes dans l’éducation prioritaire. Cette politique du chiffre d’un cynisme à faire froid dans le dos risque de ne pas seulement concerner les REP puisque le ministère a fait l’annonce de la création prochaine d’une instance nationale de l’évaluation qui aurait pour vocation d’assurer la mesure « régulière et transparente » des performances des établissements. Sur le long terme les conséquences d’une telle politique risques d’être graves. Parmi celles-ci il y a bien entendu la mise en concurrence des établissements, une autre grande obsession de ce ministère, bientôt renforcée par d’autres dispositifs.

Que faut-il craindre de la comparaison des établissements ? Le contournement des cartes scolaires, la fuite vers le privé, le renforcement des inégalités sociales, scolaires et territoriales ? Certainement un peu de tout ça et quoi qu’il en soit de quoi compléter un peu plus la sélection sociale à l’œuvre.

Il y a enfin le stress que va peut engendrer cette école de l’évaluation permanente : stress des élèves, stress des parents, stress des personnels et donc dégradation des conditions d’étude et de travail.

Les conclusions des analyses qui fleurissent sur ce type de politique scolaire en Angleterre ou en Suède sont effrayantes. La concurrence entre les établissements n’a cessé de s’y accroître au point de renforcer la ségrégation sociale. Dans les écoles les plus en difficultés la majeure partie du temps de travail est consacrée à préparer les élèves aux évaluations et beaucoup de matières ne sont même plus enseignées. Et c’est bien là le problème de fond que soulève cette cette inflation d’évaluation : à quoi sert vraiment l’école ?

Les évaluations nationale ne peuvent se concentrer que sur un petit nombre d’indicateurs, mesurables et facilement quantifiables. Il ne s’agit pas d’évaluer les progrès en esprit critique, en créativité, ni ceux de l’entraide et de la coopération, mais plutôt ce qu’on nomme maladroitement les « fondamentaux » au risque que les élèves des établissements les plus fragiles soient finalement cantonnés aux compétences les plus basiques. Dans ce système nos pratiques pédagogiques seront nécessairement conditionnés aux résultats et donc influencées par des critères d’évaluation qui ne sont jamais neutres. Cela est d’autant plus préoccupant que les différentes réformes des programmes votées cet été et les injonctions faites aux collègues du primaire font la part belle aux méthodes les plus traditionalistes et à une vision étriquée de la pédagogie.

SUD éducation 13 invite les collègues des écoles, des collèges et des lycées à discuter collectivement du refus de ces évaluations. Quoi qu’en disent les inspecteurs et les chefs d’établissements, il n’existe aucun cadre légal concernant ces évaluations nationales qui, de fait, ne sont pas obligatoires.

Mise à jour du mardi 25 septembre : Amazon et l’hébergement des données

Une fuite au ministère a permis d’apprendre que l’intégralité des données produites par les évaluations nationales pour les CP et CE1 seront stockées et traitées par l’infrastructure de l’entreprise multinationale Amazon, en dehors du territoire et donc hors de portée des juridictions françaises.

Mise à jour du vendredi 28 septembre : un nouveau rapport sur l’évaluation

Un rapport publié ce jeudi 27 septembre proposent des mesures explosives quant à l’évaluation des enseignants et des établissements. Un texte a prendre avec précaution mais qui permet de mettre en perspective les dernières annonces faites par le gouvernement en matière d’évaluation.A lire sur les Echos.