LYCÉE NUMÉRIQUE ?

Communiqué Sud éducation 13
jeudi 24 janvier 2019
par  SN
popularité : 15%

D’ici le 28 janvier, les chefs d’établissement demandent aux enseignantEs, aux familles et aux élèves (séparément, et sans aucune forme de débat) de formuler un choix pour ou contre le passage à des tablettes numériques. Il s’agit non seulement de l’utilisation par l’enseignantE mais aussi par les élèves. Nous avons donc un certains nombre de questions en rapport avec notre position pédagogique.

1/ Numérique et données personnelles

Nous sommes souvent amenéEs à confondre outil et produit : par exemple le moteur de recherche sur Internet. Google est un produit, imposé par la puissance financière qui le soutient. Il est installé par défaut dans les tablettes distribuées aux collégiennEs aujourd’hui et pillent avec voracité toutes les données personnelles de ses utilisateursTRICES. Notre choix pédagogique ? Nié purement et simplement au profit des accords marchands.
Pour travailler avec nos élèves nous utilisons des applications qui peuvent demander une simple inscription, tout est gratuit. Mais comment garantir que nous protégeons les données personnelles des élèves ?
Nous voyons trop d’exemples de fuites ou de pillages de données pour savoir que rien n’est protégé.
On le sait, et les GAFA se bagarrent assez pour ça, les données personnelles sont une source considérable de richesse. Pas pour l’éducation Nationale, qui n’en tirera aucun profit, mais qui payera.

2/ Numérique et santé

Les écrans sont des sources de problèmes de santé graves, les addictologues, depuis quelques années, s’emparent de ce qu’ils appellent déjà un problème de santé publique. Peut­ être que l’école devrait être un lieu protégé des outrances d’exposition aux écrans.
C’est pour cela qu’il est important, avant de se lancer aveuglément dans le tout numérique, de proposer une réelle éducation au numérique et non une aliénation au numérique.
Outre faire connaître les différents systèmes d’exploitation, les logiciels qui permettent de protéger nos données et de ne pas être pisté, il est important aussi de faire découvrir l’économie du numérique, la production des appareils numériques afin de prendre conscience de l’énorme coût de ce média.

3/ Numérique et argent public

Notre souci immédiat est aussi de voir partir des sommes colossales dans les poches des fabricants d’appareils (tablettes ou ordinateurs) et non dans le financement de projets pédagogiques. Dans la région PACA ce sont 115 000 élèves en lycée qu’il faudrait équiper. Naturel que les fabricants poussent à la consommation, le marché est conséquent !
Pioché sur le site de l’académie de Montpellier en 2016, académie qui a voulu être pionnière dans les lycées numériques : « la Région a déjà engagé depuis plusieurs années une politique éducative 3.0, avec le développement de l’ENT unique (Espace numérique de travail), la mise en place de LoRdi et de l’OrdiLib’, l’accès aux manuels numériques et aux publications de l’Onisep, le câblage haut et très haut débit des lycées, le wifi ... En 2016, la Région mobilise plus de 30 millions d’euros aux équipements informatiques et numériques dans les lycées. »
Et dans notre région, combien d’argent qui ne pourra être utilisé pour sortir les élèves des établissements scolaires vers des établissements culturels...

4 / Numérique et bienfaits pédagogiques

« Une étude de l’OCDE, publiée l’an dernier, a nuancé les bienfaits du numérique. "Les élèves utilisant très souvent les ordinateurs à l’école obtiennent des résultats bien inférieurs dans la plupart des domaines d’apprentissage", peut-on lire dans le rapport. » ( Le Midi Libre, le 17/09/2016, dans un article à propos des lycées numériques de la région Occitanie.)
Est-­il utile de dépenser l’argent public pour des lycées « tout numérique » si ce n’est pas pour assurer un mieux dans les apprentissages des élèves ?
Aucune formation des enseignantEs n’est prévue, aucune phase d’expérimentation pour travailler à la construction d’usages dont le bienfait serait évolué et mesuré.

5 / Numérique et environnement

L’autre coût énorme à payer est le coût environnemental. On le sait, l’exploitation des terres rares est un désastre écologique et humain au vue des conditions de vie de celles et ceux qui travaillent sur ces sites. La masse de déchets non recyclables générée par des appareils dont la durée de vie n’excède pas 5 ans est colossale. Cette fameuse obsolescence programmée est aussi le fait d’éditeurs qui fabriqueront en 2023 des manuels qu’une tablette de 2018 ne pourra pas lire (puissance, formats, etc.). Pédagogiquement nous avons un rôle à tenir, et il est obligatoire pour nous, enseignantEs, de travailler à la prise de conscience environnementale. Ce sont nos instructions officielles... Et l’on voudrait placer le numérique comme le nec plus ultra de la pédagogie ?

6/ Numérique et quotidien

Et la maintenance ? Parce que tous ces manuels sur des tablettes, toutes ces tablettes utilisées en classe vont venir se connecter sur le réseau des établissements, sur les serveurs. Aujourd’hui, ces serveurs sont déjà limités en puissance et on se retrouve dans les établissements avec des arrêts intempestifs de réseau parce qu’il y a trop de connexions simultanées au serveur.
La région peine déjà à financer le nombre d’agentEs nécessaires à la maintenance de l’existant, quand on aura multiplié par 10 le nombre d’appareils à connecter que se passera ­t­-il ? L’argent servira une fois encore au numérique et non à la pédagogie.
Et on ne parle pas des tablettes à la batterie subitement fatiguée au milieu du cours ou même avant le cours, nous en avons fait les douloureuses expériences au moment des ordinateurs portables dans les collèges lors de l’opération « ordina 13 ».

Il est nécessaire que l’école s’empare de la question du numérique mais pour en proposer une utilisation très spécifique et raisonnée où chaque professeur reste libre de ses choix et non soumis au diktat des fabricants qui équipent leurs appareils de tel ou tel logiciel.


Portfolio

PNG - 32.6 ko