L’amiante scandale d’hier, lutte d’aujourd’hui

Ecole de la lutte #1 - Extrait du journal de SUD éducation 13
samedi 15 février 2020
par  GUERDA
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L’amiante, lorsqu’elle est évoquée, renvoit fréquemment à un scandale ancien, à une histoire du passé, à un problème réglé. Les craintes, lorsqu’elles sont soulevées, sont quant à elles bien souvent minimisées, balayées, parfois même ridiculisées. Comment peut-on en effet imaginer qu’un risque identifié depuis des décennies puisse encore constituer une menace, qui plus est au sein même de l’Education Nationale ? Et pourtant. Et pourtant l’amiante n’est pas seulement un fantôme qui hanterait les murs et les sols de nos écoles, de nos collèges, de nos lycées, et dont la simple évocation fait frissonner d’effroi. C’est un danger bien réel, qui s’accroît avec le temps, avec l’usure des bâtiments et le silence coupable des autorités. L’amiante à l’école est belle et bien un danger d’aujourd’hui contre lequel il nous faut agir, tous ensemble, ici et maintenant.

L’utilisation de l’amiante a été interdite en 1997, quand il s’est avéré que ce matériau isolant, présent dans plus de 3000 produits et dérivés, était hautement cancérogène. Utilisé sans réserve dans les constructions des années 70 et 80, l’amiante est loin d’avoir disparu des bâtiments publics comme privé, particulièrement dans les établissements scolaires. Selon une enquête de … 85 % de ces derniers comporteraientt au moins un bâtiment construit avant 1997. Les autorités, le ministère en tête tempère : tant que l’amiante est calfeutré, il n’y a pas de danger. Mais le risque, lui, reste bien présent. L’amiante peut se trouver dans la colle des carrelages, dans les murs, les joints de fenêtre, les canalisations et derrière les faux-plafonds. Avec le vieillissement du parc scolaire, la menace ne cesse d’augmenter et le danger devient bien réel. Or depuis les premiers scandales, rien a été fait ou presque pour prévenir le risque et l’éliminer. Et pour cause, les cancers et les maladies liés à l’amiante se déclenchent 30, 40 voir 50 ans après une exposition. Un danger insidieux et sournois qui fait se sentir à l’abri nombre de responsables politiques. Parmi eux, qui sera encore présent pour assumer ses responsabilités dans la mise en danger de centaines de milliers d’élèves et de personnels, lorsque cette bombe sanitaire à retardement explosera ?

Les résultats de l’enquête réalisée par l’agence « Santé publique France » fait froid dans le dos. Depuis 1997 environs 400 personnels de l’éducation auraient développé un cancer de la plèvre communément appelé cancer de l’amiante. Celle-ci place les personnels de l’Education parmi les catégories les plus exposées au risque. L’enquête souligne elle même les limites de son analyse. Confronté au manque de données produites par l’Education Nationale et à la rapidité des décès des personnes dont le diagnostic de mésothéliome pleural a été prononcé, l’enquête de l’agence rattachée au ministère de la santé ne peut donner qu’un aperçu des conséquences de l’amiante dans l’Education Nationale. En effet ce cancer, extrêmement rare, est le seul a pouvoir être associer sans aucun doute à l’exposition de fibres mais les maladies engendrées par l’amiante sont nombreuses, variées et tout aussi dangereuses. De son côté l’Education Nationale ne fait quasiment aucun travail de suivi ou d’information. L’absence de médecine de prévention au sein de notre ministère est un problème à plusieur tiroirs qui renforce le risque. Aucun recensement des établissements scolaires contenant de l’amiante n’est même prévu par l’Education Nationale. L’institution elle-même, dans un mélange d’irresponsabilité et d’indifférence, semble dans le flou concernant l’état de son parc immobilier.

C’est d’ailleurs peut-être ce qui est le plus inquiétant. Lorsqu’on creuse la question de l’amiante à l’école, on ne peut être que stupéfait. En théorie, chaque établissement construit avant 1997 doit posseder un Diagnostic Technique Amiante (DTA) mis à la dispositition des personnels et des usagers. C’est la loi et pourtant 30% des écoles maternelles et primaires n’en ont toujours pas, 20 ans après l’interdiction. Lorsqu’ils existent, on constate bien souvent que ces derniers sont incomplets, mal réalisés, périmés ou limités au strict minimum.

En chiffre

  • 1997 - C’est la date de l’interdiction de l’amiante en France.
  • 85 % - C’est le pourcentage de bâtiment construit avant 97 qui contiendrait de l’amiante.
  • 30% - C’est le pourcentage d’école qui n’ont toujours pas de DTA 20 ans après l’interdiction de l’amiante.

D’autres mesures pourtant essentielles et qui doivent être prises en cas d’intervention dans des locaux susceptibles de présenter de l’amiante ne sont pas non plus respectées. Ainsi, même de simples petits travaux d’entretien peuvent s’avérer dangereux. Un trou dans un mur qui présente de l’amiante et ce sont des milliers de fibres qui sont projetées dans l’environnement exposant directement les ouvriers et indirectement les usagers. Si l’on prend au hasard le cas que nous connaissons bien de la ville de Marseille, on trouve là tout les ingrédients de démultiplication des risques. Des locaux d’une vétusté indicible, des années de manque d’entretien et de sous-investissement, des travaux, qui lorsqu’ils sont réalisés le sont sans aucune coordination sérieuse et sans la mise en place d’une régie dédiée. Comment espérer dans ces conditions que les normes liées à l’amiante soit respectées ?

Si la norme fixe la limite à cinq fibres d’amiante par litre d’air respiré, il n’existe en théorie pas de pallier d’exposition à l’amiante en dessous duquel le danger peut être écarté. Une durée d’exposition prolongée n’est pas non plus une condition sine qua non de dangerosité. Celle-ci peut être courte mais importanteset avoir des conséquences tout aussi dramatiques sur nos vies.

Lorsque les personnels et les parents d’élèves prennent connaissance du danger, c’est généralement à l’occasion de l’annonce de travaux ou lors de la rénovation d’un ou de plusieurs bâtiments. Lorsqu’il y a réaction, une longue bataille pour l’information commence. Bien souvent il faut faire des pieds et des mains pour obtenir, s’il existe, le DTA pourtant censé être accessible. Bien plus souvent encore toutes les normes ne sont pas respectées et de grandes libertés sont prises au détriment de la sécurité des agents et des usagers.

Il faut dire que les interlocuteurs multiples et variés se renvoient systématiquement la patate chaude. L’Education Nationale qui a pourtant un devoir de protection envers ses agents renvoit vers les propriétaires des locaux, conseils départementaux, régionaux, municipalités pour faire face au problème. Ces collectivités territoriales noient quant à elle le poisson se cachant derrière le coût faramineux d’un désamiantage total et pointent le manque d’aide de l’Etat. Il faut dire que certaines d’entre-elles préfèrent effectuer des dépenses plus porteuses électoralement parlant. Ainsi le « plan 100% sécurité collège » qui prévoit d’installer caméras de sécurité et portiques anti-intrusions dans tous les collèges des Bouches-du-Rhône a dû rendre amer bon nombre de communautés éducatives comme c’est le cas par exemple à Rognes. Dans le collège des Garrigues, les parents d’élèves qui ont bien compris que le principal enjeux en terme de sécurité étaient ailleurs, demandent en effet depuis des années le remplacement par précaution des dalles de lino abîmées qui contiennent de la colle amiantée.

Des exemples comme cela, il y en a partout en France. Aprés avoir laissé dans l’ignorance les personnes exposées, les autorités se murent ensuite dans le silence et rendent difficile l’accès à l’information. Face à ce déni organisé, les meilleures volontés peuvent se décourager et parfois sombrer dans le fatalisme. D’autres parviennent auprès de gros sacrifices à aller plus loin et à faire reconnaître leurs droits. C’est le cas au collège Versailles où la pugnacité d’une partie des personnels a permis d’obtenir la suspension des travaux pour manquement flagrant à la législation. Quoi qu’il en soit, pour chacune des personnes concernées s’ajoute bien souvent aux risques réels d’exposition un préjudice d’anxiété créateur d’une véritable souffrance au travail.

Alors que faire, face à l’ampleur de la tâche ? Il est tout d’abord urgent d’informer et de se former le plus largement possible sur les dangers liés à l’amiante. S’informer sur sa dangerosité mais aussi sur sa présence, sur ses droits, sur les procédures en la matière et être prêtEs à faire sortir l’institution et les collectivités territoriales du déni dans lequel elles se confortent. Il y a urgence à agir tant la question de l’amiante est une bombe sanitaire à retardement. C’est la raison pour laquelle dans le cadre de sa campagne Santé au travail, SUD éducation 13 a entamé un travail de fond sur ce sujet et se trouve aux côtés des personnels touchés comme c’est le cas au collège Versailles.


Zoom sur Avalé 13

SUD éducation 13 a adhéré à la rentrée de septembre 2019 à l’Association des Victime de l’Amiante dans les locaux de l’Education Nationale des Bouches-du-Rhône, fondée en juin de la même année. Nous y travaillons avec la CGT éduc’action 13, le SNUipp-FSU et le SNES. Le but de l’association est non seulement d’informer les personnels de leurs droits en matière d’amiante mais aussi de faire réagir l’institution face à la dangerosité de sa présence dans les locaux de l’Education Nationale. Affiliée à l’ANDEVA l’association a aussi pour but de faire reconnaître la responsabilité de l’Etat dans les maladies qui se déclarent chez les agentEs de notre ministère. L’association a besoin de l’adhésion du plus grand nombre pour y parvenir !