Pour Christine Renon, un hommage et un cri de colère

L’école de la lutte #1 - Extrait du journal de SUD éducation 13
mercredi 1er janvier 2020
par  GUERDA
popularité : 17%

Nous étions un millier rassemblés devant la DSDEN 13 ce jeudi 3 octobre 2019. Un millier, et comme partout en France, les visages fermés, les mâchoires serrées par l’émotion. Ce jour là, nous rendions hommage, à travers une grève inédite, à notre collègue Christine Renon qui s’était donné la mort une semaine plus tôt. Etait-ce le début d’une prise de conscience dans l’Education Nationale ? Les mots sont lâchés, les paroles libérées, oui nous souffrons de notre travail, nous en mourrons parfois. Une journée de tristesse et de colère donc, mais aussi celle d’une promesse : nous n’en resterons pas là.

Du premier comme du second degré, nous avons été nombreux à partager un moment d’une intense émotion, notamment pendant la minute de silence, où, couchés au sol, les regards se sont rapidement embrumés. Mais une fois debout, c’est aux cris de « Blanquer ! Ecoute notre colère ! » que nous nous sommes faits entendre, une colère profonde qui s’installe depuis plusieurs années au cœur de notre profession. Car si la réaction fut aussi forte c’est bien qu’elle illustre parfaitement ce que ressentent bon nombre d’entre nous. Dans sa lettre Christine Renon a su mettre des mots sur bien des situations et des sentiments que nous partageons et vivons au quotidien. Son suicide vient s’ajouter a une longue liste de drames humains sur lesquels notre ministère se presse de jeter un voile pudique. Mais pas cette fois. La réaction fait date et pourrait bien se muer en lieu de mémoire pour toute notre profession. Le geste terrible de notre collègue nous révolte, nous bouleverse et concentre en une seule douleur, une seule colère le désarroi que nous ressentons sous tant de formes dans l’exercice de notre métier. D’un seul coup brutal, cet événement tragique met dans la lumière les coupables irresponsabilités de ceux qui nous dirigent.

Le silence froid de notre ministère sur la maltraitance institutionnelle qu’il produit. La première réaction du DASEN de Seine-Saint-Denis n’a pas été d’apporter son soutien aux équipes touchées, mais plutôt de leur rappeler « un devoir de réserve » qui n’existe pas. Il désigne aussi l’infantilisation, l’humiliation, les pressions hiérarchiques, qui vont de pair et affectent profondément les personnels, tout ce que nous dénonçons depuis des années.

La médecine du travail exsangue et des mécanismes de prévention inexistants. Une négligence intentionnelle de la part d’une institution qui cherche à occulter la souffrance au travail qu’elle produit en renvoyant systématiquement les situations de mal-être a des « problèmes personnels », évitant ainsi de poser les diagnostics nécessaires à l’amélioration de nos conditions de travail.

Le ministère hypocrite qui contrairement aux objectifs qu’il professe peut broyer enfants et personnels, qui oriente sa politique vers toujours plus de sélection et d’exclusion, qui trie, qui classe, qui hiérarchise. Face à lui, des personnels à la mission chevillée au corps qui agissent chaque jour pour vaincre les déterminismes sociaux et apporter un peu plus de justice. Malgré les circonstances, coûte que coûte.

Le ministre autoritaire, bon petit soldat du libéralisme, qui se rêve grand mais qui multiplie les bassesses et les réformes à un rythme effréné. Un ministre omniprésent et pourtant bien silencieux sur les sujets importants. Des mesures qui les unes après les autres et au mépris de nos avis réduisent nos marges de manœuvres, multiplient les priorités et accumulent les tâches tracassières éloignées du cœur de nos professions, niant notre unité, notre travail et nos expériences.

Le mépris pour les professionnels que nous sommes, pour nos remarques et notre contestation. La sidération et la colère suscitées par l’annonce de la disparition de notre collègue suit de très peu la mobilisation contre les lois Blanquer de l’année dernière, car face à la guerre ouverte que ce ministère nous a déclarée, nous n’entendons pas nous laisser faire. Nous réaffirmons que nos métiers comptent, que nos avis comptent, que nos vies aussi.

Cet attachement fait que notre hommage à notre collègue disparue est aussi l’expression de notre lutte et de notre colère de personnels qui se refusent à être dociles et à se taire. Comme porteurs des mêmes espoirs et des mêmes combats pour nos métiers, notre école, notre société, nous sommes et serons les témoins et les échos de la mémoire de Christine Renon.