Lettre écrite à Monsieur le Sinistre Jean-Michel Blanquer

Voici la lettre envoyée par le syndicat SUD éducation 13 à M Blanquer, ancien ministre de l’éducation nationale.
mardi 31 mai 2022
par  Chacha
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À Monsieur le sinistre Jean-Michel Blanquer,

Monsieur,

C’est à vous que nous tenons à adresser ces mots en tant que syndicat des personnels de l’Education Nationale.

A vous qui par votre mépris et votre acharnement avez rendu possible la destruction d’un service public et la souffrance d’1,2 million de personnels.

A cause de vous, une casse profonde de l’éducation a pu se poursuivre, et les réformes, déclarations et mesures ont été nombreuses : comme des protocoles sanitaires inapplicables, des remplacements de personnels inexistants, un recours massif aux contractuel·les, une réforme du lycée anxiogène pour tous·tes, une réforme de l’orientation pour aller vers encore plus d’inégalité et de concurrence entre élèves et entre établissements, une loi Rilhac pour diviser et hiérarchiser les personnels, des PIAL pour aggraver les conditions de travail des AESH, des profs taxé·es d’islamo-gauchistes et de wokistes (ironie de l’histoire, c’est aujourd’hui votre successeur qui subit ces attaques de l’extrême-droite), une formation continue de plus en plus pauvre et de plus en plus virtuelle, une baisse continue du nombre de postes, toujours plus d’heures sups imposables, un flicage des personnels administratifs via des badges, le SNU. La liste ne saurait être exhaustive.

Avec la réforme du lycée, vous avez bâti un projet éducatif qui détruit tous les temps de l’élève, qui atomise le groupe classe, qui inscrit les jeunes dès la seconde dans une logique de concurrence et de sélection.

Avec les expérimentations Marseillaises mises en place pour la rentrée 2022, vous avez accéléré la mise en concurrence des écoles et des enseignant-es, faisant fi des règles d’affectations, en instaurant des recrutements « à profil », opaques et clientélistes.

En cinq ans, les destructions et attaques ont été si nombreuses qu’il n’est pas possible de les citer toutes. Nous savons qu’elles se poursuivront dans les temps à venir. Et s’il y en a une qui nous tient particulièrement à cœur, c’est la priorité absolue donnée à la casse des personnels : statuts, salaires, conditions de travail, prof-bashing.

Les efforts réalisés pour rendre nos professions les moins attractives possible portent aujourd’hui leurs premiers fruits, puisque les derniers résultats de l’admissibilité au concours de recrutement des professeur·es (CRPE et CAPES) sont tombés et le bilan est sans appel : dans le premier degré comme dans le second degré, la dégradation des conditions de travail, la stagnation des salaires en dépit de l’inflation et le mépris ministériel découragent les candidat·es et vident les salles des concours. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : rien que dans le premier degré, si toutes les personnes admissibles dans toutes les académies étaient déclarées admises (ce qui est impossible), il manquerait 1730 postes au niveau national. Oui, cet effondrement du recrutement est la conséquence directe du mauvais traitement infligé aux personnels de l’éducation depuis 5 ans. Non, grâce à vous notre métier ne fait plus rêver personne !

De tout cela, vous pouvez avoir honte, d’autant plus que, tandis que vous étiez mieux occupé à Ibiza, les personnels de l’Education Nationale se sont senti·es bien seul·es pour surmonter les crises inédites auxquelles notre institution a été confrontée. Nous pensons à la crise sanitaire qui nous a frappé·es plus durement que vous. Nous pensons aussi au lâche assassinat de l’un des nôtres, Samuel Paty, à votre choix de ne pas y consacrer un temps de recueillement et d’hommage dans les établissements scolaires, et à l’instrumentalisation sécuritaire et islamophobe qui s’en est suivie. Nous ne l’oublions pas, nous ne l’oublierons jamais. Nous pensons aussi à ce qu’a mis en relief l’accueil des réfugié·es ukrainien·nes, à savoir les carences énormes de notre système scolaire en moyens dédiés aux élèves allophones.

Notre institution est sortie de ces épreuves plus affaiblie que jamais, parce que vous ne nous avez jamais soutenu·es et que vous vous êtes acharné à tuer le sens de notre métier, à entacher notre image dans l’opinion publique, à rendre nos conditions de travail intenables, à nous précariser et à nous préférer l’outil numérique, tout en déployant les valeurs qui sont les vôtres : management, sélection, privatisation, compétition.

Parce que nous avons vécu dans notre chair les efforts fournis pour nous briser, nous tenons ici à le rappeler à tous-tes les membres de la communauté éducative. Comme vous le savez, les procédures disciplinaires et enquêtes administratives ont été systématisées pour casser les personnels, notamment syndiqué·es. Votre « cadeau » de départ, à la veille d’un scrutin national, aura été le déplacement de 6 de nos collègues de l’école Pasteur à Saint-Denis, pour qui leur engagement dans ce métier n’aura pas suffit à contre-carrer les attaques subies et fleurtant avec l’extrême droite !

Et conformément à vos engagements, les attaques se sont poursuivies durant les cinq dernières années, aboutissant à des niveaux jamais atteints de démissions et demandes de temps partiels, sans parler des congés maladies et suicides qui sont aussi le symptôme du manque total de la reconnaissance que, pourtant, nous méritons de la part de la société. Nous n’oublions pas le suicide de notre collègue Christine Renon en 2019, accablée par des charges de travail toujours plus importantes et que vous avez refusé d’entendre, transformant les demandes de décharges de tâches des collègues directeur-trices en ajouts d’autorité fonctionnelle (loi Rilhac) !

Vous incarnez parfaitement l’impossible émancipation pour tous les enfants dans ce système. Sans vous, c’était déjà le cas, avec vous c’est encore pire. Par votre idéologie réactionnaire, vous les empêchez de se projeter dans l’avenir en dehors d’un cadre anxiogène, compétitif et entrepreneurial, de devenir des citoyen·nes libres, éclairé·es et heureux·ses tout simplement.

Cela aura été pour nous un combat de tous les instants face à des attaques et un mépris sans cesse renouvelés ces cinq dernières années. Bien sûr il y a eu des victoires, comme la prime REP+ et la CDIsation pour les AED, et nous continuerons de nous battre pour tous les personnels.

Pendant cinq ans, vous êtes resté fidèle à la boussole qui a été la vôtre, et que vous avez conservée dans toutes les circonstances et au-dessus de tout : le démantèlement du service public d’éducation.

Avec toute notre combativité.

SUD éducation 13


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Lettre