Le projet de déformation de l’éducation est CLAIR maintenant !

dimanche 5 septembre 2010
par  Rédac13014
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Voici venir la dernière offensive contre le collège, et le primaire et le lycée ne seront pas épargnés.

Longtemps traité de ventre mou de l’EN, le collège est aujourd’hui au cœur des changements structurels que le gouvernement veut imposer. Pour que l’Éducation nationale corresponde à ses objectifs, le projet est clair : au lieu de tout privatiser, calquer la compétence individuelle sur les besoins du marché et ses règles de fonctionnement à l’image du « chèque éducation » ; remplacer les savoirs et savoir-faire par les « faire » ; mettre les écoles en concurrence entre elles et piloter EPLE [1], EPEP [2] et universités par performances selon le modèle managérial des entreprises privées.

Une école fondamentale sous contrat d’objectifs

Si le collège fut longtemps à l’image d’un petit lycée, destiné essentiellement à fournir les cohortes nécessaires pour atteindre l’objectif de 80% d’une classe d’âge au niveau Bac, la nouvelle organisation du marché du travail veut en changer la structure. Place à l’école du socle commun : SMIC éducatif pour la plupart de nos élèves, excellence pour ceux autorisés à y prétendre, pré-criminalisation de ceux issus d’un eugénisme social. Le résultat reste à confirmer, mais en s’en tenant aux rapports et audits [3], en plus des textes déjà adoptés, il serait le suivant : avec la suppression de la carte scolaire on ne parle plus des écoles en REP [4], et avec l’étouffement des RASED [5], l’éducation prioritaire est remplacée par l’éducation sécuritaire ; l’expérimentation des Collèges Lycées Ambition Innovation Réussite (CLAIR) se substitue aux RAR [6] et RRS [7]. Le collège nouveau devrait se fondre dans un ensemble qui ira de la primaire à la seconde : premièrement, transformation des écoles en EPEP puis en une seule EPLE ou école fondamentale du CP à la fin du collège basée exclusivement sur le socle commun des compétences ; puis regroupement de la 3e et la 2de en un cycle d’orientation active, soit le petit lycée, le tout piloté par le conseil pédagogique avec le contrat d’objectifs comme ligne de mire en lieu et place des projets d’établissement.

Au cœur de l’école-entreprise du futur

La direction des établissements confiée à des directeurs-managers qui choisiront leurs plus proches collaborateurs et les préfets des études qui, sans être des enseignants, joueront le rôle de contremaîtres, légèrement à coté, mais au-dessus des professeurs et personnels de vie scolaire ; et les enseignants référents, avec lettres de mission fournies lors des entretiens d’embauche et chargés de superviser les équipes pédagogiques (siégeant dans le conseil pédagogique destiné à cadencer l’évaluation permanente des compétences). Les embauches décidées par les chefs d’établissement avec des bonifications pour les personnels méritants. La progression de carrière conditionnée par des entretiens individuels. Les grilles de notations actuelles n’ayant plus de raison d’être, les corps d’inspecteurs par disciplines seront remplacés par des IPR de bassin ou selon des missions redéfinies (par groupes de compétences par exemple).

Finie la structure classe sur le modèle actuel : un groupe niveau, un enseignant, une discipline, remplacée par des cycles avec des groupes de niveau par compétence. Les cycles permettront les différences de progression des plus méritants par rapport à la « normalité » d’une progression minimaliste pour le plus grand nombre, dans un ensemble de compétences nivelant le système par le bas et où il n’y aura plus de redoublement. Les élèves déjà mis à l’index de par leur comportement ou leur incapacité à intégrer les compétences requises, iront en soutien (y compris pendant les vacances) ou participeront à des après-midis sportifs qui, vu le nombre croissant de bénéficiaires, seront encadrés par des personnels plus sportifs qu’éducateurs (et suivis par des sortes de contrôleurs judiciaires enrobés de pédagogisme). Les CO-psy n’auront plus en charge que le suivi des cas difficiles et verront leur existence dématérialisée.

L’allègement des contenus d’apprentissage tout comme l’assouplissement du rythme de validation des compétences permettront aussi l’accès précoce à l’apprentissage, dès la fin de la 4e. Une fois les compétences minimales jugées acquises, la différenciation nécessaire dans un système de libre concurrence se fera par la multiplication de mentions et de prix. La poursuite dans les filières nobles sera conditionnée par le niveau de revenus et les bourses ne seront plus attribuées qu’au mérite.

Les horaires obligatoires appauvris pourront varier au cours de l’année et selon les élèves, au sein d’un groupe de compétences (entre LV1 et LV2, ou d’un domaine scientifique à un autre, etc.). L’abrogation des grilles horaires permettra l’annualisation des enseignants dont la présence dans les établissements sera augmentée (22h hebdo), afin d’occuper les plus doués (donnant lieu à des mentions spéciales) ou en remédiation pour ceux en difficulté, le reste du temps étant consacré à des réunions obligatoires, à l’accueil des parents, au tutorat et à la formation permanente obligatoire.

La bi ou polyvalence par secteurs de compétences sera généralisée ; chaque département par compétence sera dirigé par un responsable, les bonnes équipes récompensées par rétrocessions de la moitié des heures ou crédits gagnés.

Nous ne voulons pas de cette école-là

Il ne s’agit pas d’une reforme de plus sans cohérence avec le reste ; le projet répond à une volonté clairement énoncée depuis des années. Ne pas voir leurs desseins et croire que le pire n’est pas possible dans un pays comme le nôtre nous rendraient complices du résultat.

Cette rentrée scolaire, nous ne verrons encore que la face émergée de l’iceberg destinée à faire couler l’Éducation nationale : réforme des lycées, mastérisation, conséquences sur l’emploi et les étudiants de la loi LRU, imposition du livret de compétences, démarrage du programme CLAIR, élimination progressive d’un quart des profs de lycée professionnel, réajustement futur des postes de TOS décentralisés, poursuite de l’élimination des CO-psy, redéfinition du rôle des documentalistes, augmentation de la taille des classes, etc. Mais la machine de destruction est en marche et ne s’arrêtera que si nous arrêtons la spirale d’autodestruction dans laquelle nous sommes pris.

Nous pouvons l’empêcher, par la grève reconductible de longue durée et en réclamant le paiement des journées de grève quand il s’agit de défendre le bien commun. Nous devons la gagner, avec l’aide des parents et des élèves.

Nous refusons :

- d’être des professeurs principaux complices de la suppression des COP, faisant des heures de vie de classe non rémunérées ;
- toutes les tâches non obligatoires contribuant aux réformes comme les remplacements en interne, le tutorat, la note de vie scolaire, les heures supplémentaires, la journée de « solidarité », etc. ;
- de nous laisser ficher par des dossiers illégaux aux mains de nos chefs, les base-élèves, SCONET, ENT [8] et tous les systèmes de fichage-flicage ;
- d’endosser le rôle de coordonnateurs, de laisser se constituer et agir les conseils pédagogiques, d’autoriser les chefs d’établissements à signer des contrats précaires à l’instar des boîtes d’intérim ou d’adopter les contrats d’objectifs ;
- d’évaluer des performances par compétences et de remplir les livrets de compétences, numériques ou pas (y compris les B2i et niveaux A2) ;
- de participer aux entreprises de déstabilisation et d’expérimentations permanentes sous couvert de pédagogisme.

Sud Éducation Grenoble

[1] établissement public local d’enseignement

[2] établissement public d’enseignement primaire

[3] rapports d’étape des RGPP 2010, Grosperrin 2010, Institut Montaigne 2010, Cour des comptes 2010, Matringe 2005, grilles horaires 2006, « le chèque éducation » in La lettre de l’éducation 2010

[4] réseau d’éducation prioritaire

[5] réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté

[6] réseau ambition réussite

[7] réseau de réussite scolaire

[8] environnement numérique de travail


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