Sauvons la formation professionnelle, pierre angulaire du monde du travail

lundi 5 septembre 2011
par  SR
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De l’État aux Régions, le transfert des compétences en matière d’orientation et de formation continue lentement et insidieusement. Pour les publics en formation ainsi que pour les personnels, les conséquences en seraient désastreuses.

Livret de compétences, Droit Individuel à la Formation (DIF), Orientation, Formation initiale, Formation continue, entretien professionnel, Validation des acquis de l’expérience (VAE), certificats de formation professionnelle, fond national de développement et de modernisation de l’apprentissage, stages en entreprise et gratifications, conventions d’objectifs sur le développement de la formation des jeunes par alternance, expérimentations sur la formation par alternance, Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), formation professionnelle et université…

Tous ces thèmes sont déclinés dans la loi nº2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (OFPTLV) qui prévoit une destruction progressive du service public et sa soumission au marché. Solidaires avait été le seul syndicat à s’opposer à sa signature.

Dernières mesures en date

En 2004 avait été créé un Conseil National de la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie, chargé :
- de favoriser, au plan national, la concertation entre l’État, les régions, les partenaires sociaux et les autres acteurs pour la définition des orientations pluriannuelles et des priorités annuelles des politiques de formation professionnelle initiale et continue, ainsi que la conception et le suivi de la mise en œuvre de ces politiques ;
- d’évaluer les politiques de formation professionnelle initiale et continue aux niveaux national, régional, sectoriel et interprofessionnel…

Depuis 2009, un Contrat de Plan Régional de Développement des Formations Professionnelles, élaboré par les régions au sein du comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle, a été mis en place. Il n’y est plus question de « qualification professionnelle » mais de « droit à l’information, à l’orientation et à la qualification professionnelle » ; d’ »acquérir » mais « de progresser au cours de sa vie professionnelle d’au moins un niveau en acquérant… »

Derrière la loi OFPTLV

Trois services d’éducation sont directement concernés par l’application de cette loi : l’orientation, la formation professionnelle initiale et la formation professionnelle continue. Son application exposera l’ensemble de ces services (CIO, GRETA, LP, AFPA, et même Pôle Emploi) à des maux identiques :
- mixité des publics : de l’école à la retraite ;
- labellisation entraînant une concurrence entre services ;
- décentralisation permettant une régionalisation des services donc des personnels ;
- pertes de postes liées aux fusions et regroupements ;
- perte d’identité des métiers de chacun, source inévitable de souffrance au travail.

Le DIMA, ou la fin de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans

En ce qui concerne la formation professionnelle initiale, une nouvelle déclinaison de la loi OFPTLV sera expérimentée dès la rentrée 2011 dans certaines académies (BO nº 5 du 3 février 2011) : le Dispositif d’Initiation aux Métiers en Alternance (DIMA) pour les élèves de 15 ans. Les 3DIMA, classes de 3e, au sein des centres d’apprentis (CFA), accueilleront « en formation en alternance pour une durée d’un an maximum des élèves ayant atteint l’âge de 15 ans, pour leur faire découvrir un environnement professionnel correspondant à un projet d’entrée en apprentissage. […] Il convient d’insister sur le fait que l’élève suivant cette formation demeure sous statut scolaire. […] La formation, qui présente les caractéristiques d’une formation en alternance partagée entre l’établissement de formation et le milieu professionnel, permet prioritairement l’acquisition du socle commun de connaissances. […] Le livret de compétences est renseigné par le professeur principal. […] Les stages accomplis en milieu professionnel sont des stages d’initiation ou d’application d’une durée annuelle de 8 à 18 semaines. »

Voilà du pré-apprentissage, qui remplace l’apprentissage junior dont l’implantation avait été un échec ! C’est une façon déguisée de mettre fin à la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, instaurée en 1959.

Annoncé trop tardivement pour permettre son intégration dans « la carte des formations » construite conjointement par le rectorat et la région, ce dispositif fera l’objet d’une expérimentation dans certaines académies. Il faut savoir qu’au niveau des sections en LP et CFA publics, des accords sont passés chaque année entre ces deux partenaires locaux, région et rectorat, pour déterminer l’implantation des sections et le nombre de places offertes. Un élève est orienté, d’après ses vœux, mais dans la limite des places disponibles… d’où en partie l’orientation par défaut fréquente dans certains secteurs d’activité.

En juin, à deux mois de la rentrée, les rectorats ne peuvent nous indiquer le statut des enseignants qui prendront en charge ces classes. En effet, si à terme ils seront en CFA, pour la rentrée 2011 une classe de 3DP6 (Découverte professionnelle 6 heures) a été transformée à la hâte en 3DIMA. Dans cette configuration, les enseignants devraient être rémunérés par les rectorats bien qu’intervenant sur une section qui sera dès la rentrée 2012 en CFA !

Sud éducation ne peut être en accord ni avec les pratiques qui consistent à organiser la rentrée à la va-vite, ni avec cette forme d’apprentissage qui atteint les élèves qui auraient besoin du plus grand accompagnement.

L’enseignement professionnel doit rester dans le service public d’éducation

Depuis 30 ans, les politiques ont développé la décentralisation en cherchant à supprimer la fonction régalienne de l’EN. Aujourd’hui, les régions veulent valider définitivement ce dispositif en définissant les compétences propres qui permettent une nouvelle conception du service public. Après l’enseignement supérieur, les agents des lycées et collèges anciennement TOS, c’est au tour de la formation, de l’éducation et de l’orientation d’être intégrées dans un service public régional.

L’Association des Régions de France, qui permet une expression commune à l’ensemble des régions, revendique un pilotage plus important voire complet de l’éducation professionnelle et de l’orientation. En cas de transfert complet des compétences aux régions, les conséquences seront nombreuses tant pour le personnel que pour les publics en formation.

Si rien n’est encore décidé, cela risque d’aller très vite. Les élections présidentielles seront certainement la date de départ de cette déstructuration. Ne soyons pas dupes ! Ce sont bien tous les autres secteurs de l’Éducation nationale qui sont dans la ligne de mire.

C’est pourquoi la fédération des syndicats Sud éducation appelle les personnels de l’enseignement professionnel à rejoindre la lutte en cours et tous les personnels de l’EN à les imiter.

Commission enseignement professionnel de la fédération Sud éducation