Le devoir de réserve pour les profs : ça n’existe pas !

mercredi 11 avril 2012
par  SR
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De nombreux chefs d’établissements en appellent de plus en plus à un nébuleux « devoir de réserve » pour tenter de faire taire les plus véhéments d’entre nous. Le principal du collège Vieux-Port a notamment transmis aux enseignants un courrier émanant du préfet appelant à une « période de réserve » avant et pendant les élections présidentielles et législatives. Voici le courrier que nous lui avons envoyé. Au delà de la situation particulière de cet établissement, ce texte a le mérite de démonter le mythe du « devoir de réserve », textes législatifs à l’appui.

Monsieur

Nous vous interpelons par la présente au sujet d’un courrier que vous avez transmis aux enseignant(e)s du collège Vieux-Port. Ce courrier qui émane des services préfectoraux, daté du 13 février 2012 a été reçu le 16 février 2012 par le rectorat d’Aix-Marseille puis le 28 février 2012 par les services du DASEN des Bouches du Rhône.
L’objet de cette lettre est le suivant : « Période de réserve à l’occasion des élections présidentielles des 22 avril et 6 mai 2012 et législatives des 10 et 17 juin 2012 »
Outre que ce courrier est nul et non avenu puisqu’il évoque au deuxième paragraphe un « 17 juin 2011 » qui n’a jamais existé, les « destinataires in fine » ne peuvent en aucun cas être les enseignants de votre établissement.
Nous vous rappelons en effet que le décret 83-634 du 13 juillet 1983 définit les statuts de la fonction publique et stipule dès l’article 6 que « la liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaire ». En terme de droit, il n’est pas anodin de noter que ce décret énonce les droits des fonctionnaires avant d’en préciser les obligations. Anicet Lepors, ministre de la fonction publique de l’époque, qui en fut le principal rédacteur et qui demeure donc le dépositaire de l’esprit de cette loi voulait « rompre avec la notion de fonctionnaire-sujet ». Il le rappelle d’ailleurs dans le journal « Le Monde » du 31 août 2008, dans un article intitulé Obligation de réserve : « Les fonctionnaires, citoyens de plein droit ». Dans le chapeau de cet article il précise : « Leur statut accorde la liberté d’opinion aux agents publics. Il ne leur impose pas d’obligation de réserve »
L’obligation de réserve ne s’applique donc qu’aux directeurs-trices des services de l’état. La jurisprudence l’a élargie aux fonctionnaires occupant des postes élevés dans l’Education Nationale, il s’amenuise à mesure que l’on descend les échelons de la hiérarchie. Il ne s’applique donc pas aux chefs d’établissements et encore moins aux enseignant(e)s.

Un(e) enseignant(e) demeure soumis(e) :
au devoir de neutralité (pas de prosélytisme religieux ou politique sur le lieu de travail hormis des informations sous enveloppes cachetées dans les casiers)
à la discrétion professionnelle (informations concernant les élèves ou documents dont il (elle) a connaissance dans l’exercice de ses fonctions, art.26 du décret 83-634)

Nous vous demandons donc de diffuser aux enseignant(e)s du collège Vieux-Port un erratum stipulant que ce courrier ne leur était pas destiné.
Nous sommes à votre disposition pour vous aider à faire respecter vos droits mis en cause par le préfet Parant en terme de liberté d’opinion puisque ce courrier semble vous être adressé.

Nous vous prions de croire en notre dévouement au service public de l’Education Nationale.